(Ce texte a été initialement publié sur mon blogue Québec Pêche)
Ce sont nos lacs et nos rivières
Quelques éléments de réflexions...
L’intervention initiale de Patrick Campeau, la réponse du représentant du Lac Masson et la réplique du chroniqueur du Journal de Montréal ont le mérite de mettre en évidence certains aspects de l’accessibilité aux plans d’eau qui, à mon avis, dépassent largement le cadre de la pratique de la pêche sportive au Québec.
Il s’agit d’une dimension qui constitue, depuis le début des discussions par rapport aux mandats de l’APSQ (Associations des Pêcheurs Sportifs du Québec), l'objet d'une profonde réflexion et de quelques interventions de ma part : à titre de pêcheurs - et nous prenons pour acquis que l'ensemble des pêcheurs ont un comportement correct - nous ne considérons pas que notre présence sur un lac ou une rivière devrait porter préjudice à l'environnement et à la qualité de vie des riverains. Il nous faut cependant s’interroger sur le type d’activités devant prendre place sur l’ensemble des plans d’eau du Québec et leur impact autant environnemental, qu’économique et humain.
À moins d’un miracle juridique (et je ne suis pas de ceux qui croient aux miracles), les rampes de mises à l'eau ne seront jamais réservées EXCLUSIVEMENT aux pêcheurs ... on peut donc en arriver à imaginer que ces accès à différents plans d'eau seront possibles à toutes sortes d'embarcations (motomarine, wakebord, planche à voile, kayak, etc.) mais aussi à plusieurs types d’activités (canotage, baignade, plongée sous-marine, adepte de ski nautique, courses de bateau etc.)... à moins d'une restriction quelconque provenant d'un niveau de gouvernement (municipal, provincial ou fédéral).
Actuellement c'est ce que certaines municipalités font en appliquant des mesures qui limitent insidieusement l’accès aux plans d’eau à la population en général. Mais je crois que ce débat dépasse le simple accès au plans d’eau : il invite à une réflexions profonde sur les mécanismes et les choix de sociétés qui ont progressivement mis en place une exclusion de la population en général dans différents plans d’eau (un bien public, faut-il le rappeler), l’interdiction de s’arrêter sur les berges des rivières car elles sont propriétés privées, la monopolisation « en douce »de certains plans d’eau pour des activités motorisées, etc.
Si on reprend l'exemple du Lac Masson, que l’on peut aussi appliquer à plusieurs autres plans d’eau comme le constate l’APSQ, on ne peut donc pas affirmer qu'il soit, légalement, fermé aux pêcheurs. Dans ce cas.il est fermé à une certaine catégorie d'embarcations qui, comme nous pouvons le remarquer, sont utilisées par plusieurs pêcheurs...mais pas exclusivement par des pêcheurs. Je peux donc en théorie aller pêcher avec mon canot ou une petite chaloupe...et de ce fait ce n’est donc pas l'ensemble des pêcheurs qui sont visés.
Ce que personnellement je considère comme un véritable vol ce sont toutes ces interdictions ou contraintes des plans d'eau où il y a eu des rampes d'accès construites avec les taxes de l'ensemble de la population et qui maintenant sont (pour des raisons de pelletage de problème par en avant) sous la responsabilité des municipalités. Au fil des ans, plusieurs régions ont bénéficié de ces accès qui ont contribué à une certaine économie locale liée au tourisme ... aujourd'hui par une passe-passe juridique ces installations pour lesquelles plusieurs générations ont payés des taxes ne sont plus accessible à la grande majorité de la collectivité. En tant que citoyen ce privilège de « classe » m'indispose sérieusement.
À mes yeux voici des questions importantes qui, pour l'instant restent sans véritables réponses...:
1. Quelles ressources sommes nous prêts collectivement à mettre à la disposition des riverains, et des utilisateurs, pour qu'ils puissent compter sur une application de certaines règles de conduites (vitesse, comportement, etc.) sur les plans d'eau du Québec ? Accepterions-nous de débourser une certaine somme (permis spéciaux, taxes supplémentaires sur les embarcations et accessoires nautiques, articles de pêche, etc.? Doit-on envisager la création d’infrastructures régissant les conditions du libre-accès à certains plans d’eau ?
2. Quel types d'embarcations devraient être autorisés sur les plans et cours d’eau du Québec? Devrait-on exiger un classement par catégorie selon la superficie, mais aussi l’état de santé des plans d’eau du Québec? Les conditions d’utilisation seront-elles appliquées aux visiteurs ET aux riverains ou si le jeu des « droits acquis » risque de s’immiscer dans ce débat au même titre que celui des fosses septiques et des gazons verts sur le bord de certains lacs ayant des problèmes de pollutions?
3. Devrait-on privilégier une pratique des activités « dites douces » (et la pêche peut en être une) au profit des activités « motorisées » ?
4. Quel est le véritable impact d’un accroissement de la pratique d’activités nautiques sur un plan d’eau? Comment évaluer la capacité d’un plan d’eau à supporter l’accroissement d’activités motorisées (pas les riverains ET les visiteurs)? Doit-on songer à imposer des « quotas » d’embarcations motorisées sur certains lacs ?
5. Devrait-t-on laisser aux municipalités la gestion de ces questions ou y aller avec un encadrement gouvernemental qui prendrait en considération l’impact économique et environnemental de l’utilisation des plans d’eau québécois mais aussi le potentiel touristique, ludique et sportif (canotage, voile, natation, pêche, etc.) de ces derniers.
J’ai à la mémoire certaines journées de pêche aux Îles de Boucherville au cours desquelles la présence d’embarcations motorisées dans plusieurs baies et chenal rendaient la circulation en canot ou en kayak presque impossible pour ne pas dire dangereuse. Un reportage de Radio-Canada est d’ailleurs très éloquent à ce sujet. En arrivera-t-on à interdire aux grosses embarcations certaines zones afin de ne pas nuire à la pratique d’activités « dites douces »? Aurons-nous les ressources nécessaires pour limiter la vitesse sur certains tronçons de rivières par exemple et faire en sorte que plusieurs types d’activités puissent s’y dérouler sans danger ? Je pense ici à la zone du Parc de la Rivière des Mille-Îles qui constitue un excellent coin de pêche tout en étant un endroit privilégié pour la pratique du canotage et du kayak et ce, à proximité d’une grande zone urbaine
En ce qui me concerne de grandes réflexions doivent s’ajouter aux données déjà disponibles. J’ai depuis plusieurs années privilégiés les activités « dites douces » mais je reste convaincu que plusieurs plans d’eau peuvent supporter, si l’encadrement est adéquat, la présence d’activités motorisés. Ici nous pensons « pêche » et c’est normal … mais l’accès aux plans d’eau ouvre en théorie la porte à l’ensemble des activités nautiques et de plein air.
Ce sont ces questions qui, à mon avis, doivent générer des discussions dépassant le simple cadre de la pratique de la pêche sportive.
Il serait intéressant d’avoir le point de vue de pêcheurs qui possèdent un chalet sur un petit lac qui, par l’occupation privée des terrains entourant un lac, se trouvent à pêcher su un plan d’eau qui est inaccessible aux non-résidents. Comment verraient-ils l’arrivée d’autres pêcheurs et embarcations sur ce qu’ils en arrivent à appeler « leur lac »?
Que penser de ces développements immobiliers le long des rives de plusieurs rivières et du fleuve qui en arrivent à déplacer « ailleurs » les possibilités d’accéder à ces cours d’eau? Quels sont les mesures mises en place pour faciliter l’accès aux cours d’eau majeurs du Québec par la population? N’y a-t-il pas une réflexion à faire en ce qui concerne le potentiel touristique (entre autre celui lié à la pêche) de ces rivières et du fleuve?
J’ai déjà lu que c’est au Québec que l’on retrouvait la plus grande concentration de piscines hors-terre per capita. Avons-nous préféré s’occuper de notre bassin d’eau privé au détriment de cette richesse collective que constituent les lacs, les rivières et le fleuve? Est-ce l’héritage que nous voulons laisser à la prochaine génération?
J’ose espérer que non.
Albert Gaudet