Le phénomène de la privatisation déguisée des plans d’eau publics a pris de l’ampleur en 2016. Au cours du printemps, plusieurs municipalités ont emboîté le pas dans cette pratique qu’ont déjà plusieurs municipalités qui consistent à charger un tarif journalier très élevé ou carrément interdire l’accès aux non-résidents. Pour en nommer quelques une, il y a Magog qui interdit les accès aux lacs Magog et Lovering aux non-résidents, Val-des-Monts qui charge désormais un tarif quotidien de 120 $, St-Alexis des Monts qui eux imposent un frais de 150 $ par jour afin de naviguer sur le lac Sacacomie, Saint-Michel-des-Saints et j’en passe.
Si le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs croit que son programme d’accessibilité aux plans d’eau consistant à financer des projets pilotes liés à améliorer les accès à des lacs publics calmera la grogne des pêcheurs, il se trompe. Encore une foi, il se fit sur la bonne volonté des villes qui n’en ont rien à cirer de cette subvention ridicule à mon avis. Le ministre Martin Coiteux doit mettre son point sur la table et forcer les villes à donner des accès aux plans d’eau sans discrimination en rapport au lieu de résidence. Tant que les villes ne seront pas forcées d’agir, elles ne feront rien qui déplaira à leurs résidents. Le montant de 150,000 $ provient des revenus de la vente des permis de pêche. Ce montant est nettement insuffisant et ça ne réglera pas le problème dans la majorité des municipalités qui n’agiront pas contre la volonté de leurs résidents.
SON LAC
Je vais vous raconter, dans ses grandes lignes, une discussion que j’ai eue au salon du bateau de Montréal à l’hiver 2016 avec un propriétaire riverain et directeur de l’association du lac où se trouve son chalet dans les Basses-Laurentides. Soulignons que je n’ai pas réussi à lui soutirer le nom de son lac. J’ai bien écrit SON LAC, les membres de ces associations de lac sont tellement attachés à leurs plans d’eau qu’ils en viennent à penser que le lac leur appartient. Dans les faits, les cours d’eau appartiennent à tous les citoyens et nul ne peut en restreindre la navigation.
Venons-en au fait. Le monsieur d’une très grande politesse m’aborde en m’expliquant qu’il a un chalet sur le bord d’un lac dans les Laurentides et me parle de ses inquiétudes sur la provenance des embarcations étrangères qui y naviguent via un accès privé de l’un des propriétaires qui fait payer des étrangers pour avoir accès au lac. Il me demande si dans mon association, nous faisons de la sensibilisation sur la propreté des embarcations et la nécessité de les laver entre chaque sortie. Je lui réponds donc que oui, ça fait partie des termes que les membres acceptent lorsqu’ils adhérent.
La propreté à tout prix
Son inquiétude sur la salubrité des embarcations semblait le préoccuper au plus haut point. Comme si son cerveau avait été reprogrammé pour lui faire croire que les bateaux des non-résidents étaient une calamité et que ça mettait la santé de SON LAC en péril. Je lui explique, que bien entendu, nous exigeons de nos membres qu’ils conservent leurs embarcations propres et qu’ils évitent de naviguer aux endroits où il y a des concentrations d’algues envahissantes, mais même si une personne était négligente et ne lave pas son embarcation et sa remorque, le risque était minime, car après une semaine à sécher dans le fond de la cour, il n’y avait plus d’organismes vivants. Je lui ai dit que dans les réserves fauniques où les gens peuvent utiliser leurs propres embarcations, ils n’exigent pas de certificats de lavage et il n’y a pas de contamination connue. Une vaste étude européenne sur les impacts négatifs environnementaux de la navigation de plaisance a démontré qu’ils étaient inférieurs à 1 % de l’ensemble des impacts causés par des facteurs environnementaux adjacents aux cours d’eau.
La privatisation
Ce gentil copropriétaire de SON LAC, termine en me disant que pour régler le problème d’accès à SON LAC par des étrangers, l’association s’apprête à racheter la rampe de mise à l’eau privée à son propriétaire pour la somme de 100,000 $. Vous avez bien lue, 100,000 $ que l’association a réussi à obtenir de ses membres afin de privatiser leur lac. C’est exactement ce qu’avait fait l’Association du lac Tremblant au milieu des années 2000 en rachetant la marina municipale à la ville de Tremblant. Dans ce dernier cas, ce qui est troublant, c’est que c’est la ville qui a cédé les installations à une association privée. Encore une foi, de riches propriétaires arriveront à privatiser un joyau de notre belle province. Ça ne vous rappelle pas l’époque des clubs privés ça?
La solution
La solution est pourtant simple, afin d’éviter ce genre d’injustice, la loi sur l’urbanisme et l’occupation du territoire doit obliger les villes et les municipalités à conserver des bandes de terrains riverains aux cours d’eau sur leurs territoires. Lorsqu’une petite municipalité en région est gérée par une minorité de gens et principalement par des gens qui ne sont pas impartiaux, la démocratie ne fait plus sens. Ça prend des lois claires pour les encadrer.
Monsieur Martin Coiteux, je vous souhaite la bienvenue en tant que ministre des Affaires municipales et de l’occupation du territoire. La balle est maintenant dans votre camp.
Stéphan Bourgeois, président
Association des pêcheurs sportifs du Québec